Sous la direction de GĂ©rard Wormser
La question des critères de jugement fondant l’appréciation des conduites et des situations est devenue absolument centrale dans notre configuration philosophique. C’est pourquoi la pensée de Jean-Paul Sartre connaît aujourd'hui un regain d’actualité. À travers ses réflexions, nous renouons les fils d’une généalogie de la morale et de notre histoire. Qu’il s’agisse d’évaluer les enjeux des situations ou des pratiques, liées tant à la science qu’à l’économie ou au droit, ce que Sartre nommait « situations » est devenu si central qu’on n’imagine plus aujourd’hui qu’il a fallu créer ce concept pour associer les états de la réalité aux intentions de transformation qui sont nôtres.
Les textes que nous publions mettent à jour la complexité des approches d’une pensée de l’histoire en situation, pour laquelle Sartre a inventé le néologisme « s’historialiser ». Il s’agit par ce terme de désigner l’appréhension, orientée par les « possibles » de chacun, des contraintes pesant sur nos actions. Ce sont elles qui rendent compte des erreurs d’appréciation, des déviations que subissent nos intentions à mesure que les moyens disponibles déterminent la révision des significations de nos fins. C’est au point parfois que nous ne nous reconnaissons plus dans nos actes, ou que ceux-ci viennent éclairer nos orientations d’un jour que nous n’avions pas pu ni voulu voir.
La posture singulière de Jean-Paul Sartre consiste donc à ne jamais séparer les prises de position politiques des orientations subjectives à partir desquelles peuvent apparaître des significations historiques.
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